vendredi 6 septembre 2013

Road-trip Afrique du Sud - jour 9: de Hluhluwe à Ezulwini (Swaziland)

On quitte notre lodge de Hluhluwe à regrets pour prendre la route du Swaziland.

Une demi-heure après notre départ, par acquit de conscience, je demande à Géraldine si elle a bien son passeport à portée de main, en prévision du passage de la frontière. "Ah non, c'est toi qui l'as". Euh non, jamais. "Ben alors je ne sais pas où il est".
Arrêt sur la "bande d'arrêt d'urgence", fouille de tout le coffre, début d'inquiétude au bout d'un quart d'heure car vraiment aucune idée d'où il pourrait être. Et finalement, perdu au fond d'un sac...No comment. I'm with boulet épisode 204.

Jusqu'au Swaziland, le paysage est plutôt agricole, des ananas encore, de la canne à sucre, assez peu de villages. Plein de singes vervet qui m'ont l'air d'aller se servir dans les champs. Des autruches aussi de temps en temps, dont on apprendra qu'elles servent souvent de chiens de garde. Elles sont hargneuses, rapides et peuvent faire extrêmement mal, que ce soit avec leur bec ou avec leurs pattes (elles sont capables de tuer un lion avec un coup de savate, respect).

Certaines collines sont couvertes de drôles d'arbres-cactus, natifs d'Afrique du Sud et appelés arbres candélabres ou Euphorbia ingens. Il paraît que leur latex est un poison très irritant, on n'a pas testé.

Le passage de la frontière ressemble véritablement à la transition d'un monde à un autre.
Nous avons croisé beaucoup de gens qui ne semblaient pas rouler sur l'or en Afrique du Sud, mais le pays lui-même est relativement riche, surtout aux standards africains. 
Le Swaziland lui est un des pays les plus pauvres du monde. Dans le top 10 à l'envers en termes de proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté (70%), dernier pays pour l'espérance de vie (32 ans selon le CIA Fact Book), dans le top mondial pour le taux de séropositivité dans la population (plus de 30% de la population).

Le poste frontière côté swazi paraît spectaculairement délabré. Peinture écaillée, comptoir en bois, ordinateurs hors d'âge. 
Quelques kilomètres après la frontière, on est arrêté par la police locale. J'avoue avoir bêtement un peu stressé, je n'aime déjà pas être contrôlé en France, encore moins à l'étranger. Le policier est plutôt sympathique et très surpris que j'aie le droit de circuler avec un permis de conduire usé rapiécé. Il me demande si je ne suis pas sensé le changer un jour ou l'autre, je lui explique qu'à ce jour, non, je n'ai pas cette obligation. Il a visiblement du mal à me croire.

Le sud-est de ce petit pays est une plaine couverte de champs de canne à sucre et d'arbres fruitiers, bien souvent entourés de barbelés et gardés par des agents de sécurité armés de fusils et en uniforme kaki.
Les villages semblent encore plus pauvres que tout ce qu'on a pu voir jusqu'à présent, il y a plus de cases que de constructions de béton et régulièrement, on peut voir des enfants habillés de haillons le long de la route.
A proximité de deux sucreries, une puanteur innommable, à se demander comment une telle denrée peut produire une odeur pareille. Sur le passage de camions qui transportent la marchandise, les enfants ramassent les cannes à sucre tombées au sol et les mâchouillent.

On est samedi, aux alentours de midi, des groupes d'écoliers en uniforme marchent ou attendent leur taxi-brousse sous un arbre.

Dans une petite ville, on s'arrête dans une minuscule station service qui jouxte une place en terre battue où se déroule un marché local. Quelques stands dispersés et peu fournis, une variété très limitée de fruits et légumes qui contraste avec ce que l'on a pu voir dans le KwaZulu.
Des vaches et des chèvres errent entre les clients. 
On est de toute évidence les seuls étrangers. J'attends à côté de la voiture pendant que Géraldine va acheter quelques fruits (assez moches et pas très bons). Elle est assez fière d'avoir eu 2 propositions de mariage en moins de 10 minutes. 

La route est plus exigeante qu'en Afrique du Sud. Sur la route principale du pays, d'antiques véhicules agricoles roulant à 15 km/h, des nids de poule, des camions qui ne s'embarrassent pas de la présence d'une ligne blanche pour vous doubler dans un virage ou une côte.
On traverse Manzini, la plus grande ville du pays, qui nous paraît tout à coup bien moderne.
Le stade national est bondé, on voit les tribunes remplies en passant à côté. Peut-être un des matchs de la coupe d'Afrique Australe de foot qui a l'air de se dérouler ces jours-ci.

On se dirige dans la vallée royale d'Ezulwini, entre Manzini et Mbabane, la capitale, reliées par une vraie autoroute, qui nous paraît totalement incongrue après ce qu'on a vu du pays depuis quelques heures.
Il faut dire qu'entre ces deux villes s'étend la vallée royale d'Ezulwini, "vitrine" touristique, oasis de richesse au milieu de la misère du pays: résidences royales, un centre commercial flambant neuf avec un iStore (si si), épicerie de luxe.

Le Swaziland est la dernière monarchie absolue d'Afrique, dans le pays pullulent les portraits du roi, qui a tout l'air d'être un fieffé con fier de l'être. Il y a quelques années, l'aide internationale a été suspendue pendant un temps car elle a servi à Mswati III, pendant que son peuple crève la faim et meurt à 35 ans, à s'acheter un jet privé. Le roi a 13 femmes, les enlève pour les marier (c'est la tradition, paraît-il), musèle la presse, décourage les investisseurs étrangers et contribue activement à la ruine de son pays. Un vainqueur.

Notre objectif du jour est la visite du Mlilwane Wildlife Refuge, un des parcs nationaux du Swaziland, qui a la particularité d'offrir la possibilité de le parcourir à pied, à vélo, car on n'y trouve pas d'animaux dangereux (à quelques hippopotames près).
La piste qui mène au parc est défoncée, la terre rouge. L'organisation est minimale: un accueil à l'entrée, et démerdez vous. Pas de plan, rien. Seul le camp est fléché et sinon, prends la piste et amuse-toi.
Sur le chemin qui mène à ce camp, des hippos sur un ilôt au milieu d'un étang. Un mini-bus local devant nous est arrêté. Les passagers trouvent sûrement que les hippos sont un peu trop statiques car ils se mettent à leur balancer des cailloux pour qu'ils bougent. 
Ma misanthropie gagne encore un peu de terrain.
Le camp central est très beau. Un restaurant au bord d'un autre étang. Le logement pour ceux qui dorment sur place se fait dans des "ruches", des huttes de forme traditionnelle qui ont l'air top.
On croise par hasard sur une des tables de pique-nique un couple de Français d'un certain âge que l'on avait vus quelques jours auparavant. On s'installe nous aussi pour manger, mais l'on est poursuivis par un nyala mâle et sa femelle, qui se mettent eux aussi en tête de manger comme nous. Ce sont des bêtes magnifiques et impressionnantes, aux cornes imposantes. Plus loin ce sont des phacochères très à l'aise qui mangent ce qu'ils trouvent par terre.
On renonce tout à fait quand on entend un bruissement au-dessus de nos têtes suivi d'un cri de ralliement: un vervet suivi d'une dizaine d'autres commence à descendre de son arbre. C'est vraiment impossible de manger peinard dans ces pays.
Un café au bord de l'étang plus tard, je me rends compte de la présence dans le parc de voitures officielles avec drapeaux devant et d'une agitation peu commune. Il me semble même reconnaître dans la petite foule une des trognes que l'on voit sur les omniprésents portraits. Bingo, il s'agit du premier ministre du pays, en visite dans le parc. Scène hallucinante, on lui porte une chaise et les gens se positionnent en groupe autour de lui comme s'il s'agissait d'un patriarche pour faire des photos.
Géraldine se met en tête de faire pareil mais trouve le moyen de se tromper de gars et commence à taper la discute avec un de ses gardes du corps. Quand elle revient toute fière du "check" auquel elle a eu droit, je lui casse un peu l'ambiance en lui apprenant qu'elle s'est gourée de client.
On traîne un peu dans le camp, ce qui nous permet d'écrire nos cartes postales (mauvaise idée que de les poster du Swaziland, plus de 3 semaines après, elles sont encore dans la nature).
On décide ensuite d'aller explorer les pistes, complètement au pif. On croise beaucoup de groupes d'animaux, rendus tranquilles par l'absence de prédateur. On voit notamment des antilopes??????????????, rares et que nous ne reverrons nulle part ailleurs.

L'une des pistes semble mener dans les montagnes, ce qui nous réjouit. Le panneau d'avertissement en cas de pluie ne nous dissuade pas et l'on commence à grimper. L'état de la piste nous empêche toutefois d'aller bien loin: la pente est très raide et caillouteuse, le chemin très raviné.
Je décide donc de faire demi-tour mais là c'est le drame. Un bruit affreux et caractéristique provenant du bas de caisse: on a raclé et on est coincé, impossible de redémarrer.
A ce moment-là, il faut avoir conscience que nous n'avons croisé aucune voiture depuis que l'on a quitté le camp et qu'il est environ 16h, ce qui laisse 1h15 avant de se retrouver dans la nuit noire, obscure et sombre.
Je ne veux même pas regarder l'étendue des dégâts, la tête de Géraldine, descendue de la voiture me suffit amplement pour hyper-ventiler. 
Je finis par descendre et comprendre les problèmes: bas de caisse coincé par la terre et les cailloux et roue arrière droite à environ 60 cm du sol.
Miracle n°1: un 4x4 rempli de jeunes descend la piste à ce moment-là. Nous voyant coincés et obstruant nous même le passage, ils n'ont d'autre choix que de nous aider. Certains sont hilares et demandent s'ils peuvent prendre une photo...D'autres demandent avec compassion "is it a rental car? Oh man, i feel sorry for you guys". Je suis à deux doigts de pleurer.
D'autant plus que leurs tentatives sont pour l'instant totalement inefficaces. Je me mets frénétiquement à tenter d'enlever la tonne de terre qui se trouve sous la voiture à l'aide d'une branche d'environ 10cm de long.
Miracle n°2, encore plus improbable étant donné l'heure assez avancée (le parc ferme aux visiteurs dans moins d'une heure): un deuxième véhicule surgit du virage, avec 4 passagers.
Et là, une idée de génie de l'un d'eux: pourquoi ne porte-t-on pas la voiture? Et voilà 10 personnes (certaines pieds nus) qui se mettent à déplacer le véhicule et le mettre dans le sens de la route. En 15 secondes, c'est torché. Je suis tellement content que je fais le tour des poignées de main. Ca s'applaudit, s'auto-congratule, c'est un des plus gros soulagements de ma vie.
On redémarre, on fait 300m encore sous le choc et on vérifie tout de même, tout tremblants, les dégâts: quelques rayures, de la poussière rouge partout qui empêche de voir quoi que ce soit et désormais et jusqu'à la fin du séjour, un "clacclacclac" assez désagréable dès qu'on est sur une piste. Le soulagement est à la hauteur de la trouille.
On finit tranquillement, on sort du parc, le soleil est rasant, des enfants jouent au foot sur un terrain aux buts constitués de branches, on se sent plus calme.
On a réservé une chambre au Mantenga Lodge, à seulement quelques kilomètres, c'est parfait. Le site est très beau, sur un petit promontoire, face à l'Execution Rock, une montagne célèbre du coin et à deux pas des Mantenga Falls, qu'on n'aura pas le temps de visiter malheureusement.
On se pose sur la terrasse du resto, le décor est parfait, on commande notre bière quotidienne et la spécialité du coin: des lamelles de boeuf à la poële auxquelles ils mettent carrément le feu pendant quelques secondes. 
On se pose une question existentielle terrible: doit-on commencer ou non notre traitement anti-malaria, comme nous seront demain soir dans le Kruger? Tous les gens croisés nous disaient "bof, à cette saison, il y en a tellement peu". Je crois avoir lu toute la littérature sur le sujet trouvable sur le net.
A une table à côté, une famille de Français, un couple et leurs deux enfants, qui ont l'air de parler du parc. Peut-être font-ils le circuit en sens inverse? C'est l'occasion et Géraldine va leur poser la question. Très sympas, ils nous proposent de rester à leur table. Ils nous confirment n'avoir pas vu un seul moustique, on est rassuré, on renonce à la Malarone.
Ils habitent les Emirats, on passe la soirée à discuter de choses et d'autres, à s'échanger quelques plans, à boire des bières plus que de raison. C'est la première fois qu'on se lâche un peu, pas bien grave, on se couche à plus de minuit, c'est la fiesta, on a l'impression d'être de quasi-délinquants.



Les gardiens de champs de canne à sucre


Celui-ci, il a vraiment la même gueule que dans le Roi Lion


Canne à sucre again


V'là le phacochère


Des impalas, tranquilles.


Voilà les pauvres hippos que les couillons ont emmerdé


Le nyala qui voulait nous piquer notre bouffe.


Les forêts d'eucalyptus


Un spot de déjeuner plutôt pas mal


Le "beehive" et Nita Wapi


Aloe des montagnes et Frenchie-Rocky


Euphorbe "candélabre"


Interro surprise: alors, qu'est-ce que c'est?


Blesbok (ou damalisque à front blanc)



Guêpier (?), un des plus beaux oiseaux qu'on ait vu




Arrivée au Mantenga Lodge. Execution Rock au fond.

2 commentaires:

  1. Salut! J'etais deja fan de vos sélections photos. Je découvre la partie journal de bord et votre trip en Afrique du sud donne vraiment envie. Ça fait accessoirement vraiment plaisir de voir que vous appréciez autant la nature et les animaux. Les commentaires sont super bons, je ne rate pas un post.
    Merci pour ces bons moments !

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  2. Wow merci, ça fait très plaisir! On a fait d'autres récits de voyage précédemment, si le coeur t'en dit.
    Si ça peut donner envie à ceux qui prennent la peine de lire d'y aller, ça nous paie du temps passé à la rédaction et à l'édition des photos!

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